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ŒUVRES DE FONTANES.


 De tes vœux opposés règle au moins la folie !
Tantôt au sort de l’ange on te voit aspirer ;
Tantôt, dans tes chagrins, je t’entends désirer
Et la force du bœuf, et l’épaisse fourrure
Que l’ours, enfant du Nord, oppose à la froidure.
Les animaux, dis-tu, sont soumis à ta loi ;
Ils sont nés tes sujets, ils travaillent pour toi ;
Mais as-tu besoin d’eux, si leurs dons t’appartiennent ?

 Entre tous les enfants que ses soins entretiennent,
La Nature établit des rapports mutuels ;
Elle partage entre eux ses bienfaits maternels,
À leurs divers besoins mesure sa largesse,
Donne aux uns la vigueur, aux autres la vitesse.
Les animaux heureux écoutent ses leçons ;
L’humble insecte jouit caché sous les gazons ;
Elle n’est point prodigue, elle n’est point avare :
Eh quoi ! pour l’homme seul serait-elle barbare ?
Lui, fier de sa raison, lui, né pour commander,
S’il ne possède tout, croit ne rien posséder.
Trop heureux ton destin si tu sais le connaître !
Pourquoi veux-tu franchir les homes de ton être ?
Songe qu’en obtenant des organes nouveaux,
Tu changerais sans fruit et de biens et de maux.
Que la mouche à ton œil prête son microscope,
Tu vois jusqu’au ciron qu’un brin d’herbe enveloppe ;
Mais ce vaste regard, où se peint ta fierté,
N’embrasse plus des cieux la riche immensité.
Aiguise ton toucher : des douleurs plus subtiles
Vont blesser le tissu de tes nerfs plus fragiles.