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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/56

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ESSAI SUR L’HOMME.

Du rapide odorat si l’aimant est plus fort,
Dans l’haleine des fleurs tu respires la mort ;
Et si tu peux entendre en leur marche infinie
Tonner des cieux roulants l’effrayante harmonie,
Ne regrettes-tu pas le doux bruit des ruisseaux,
Et le zéphyr du soir qui caresse leurs eaux ?
Fils ingrat ! de ton père adore la sagesse ;
Ses dons et ses refus te prouvent sa tendresse.

 Les êtres inégaux, s’élevant par degrés,
Reçurent avec choix des présents mesurés :
Combien de rangs divers ! quel immense intervalle
De l’insecte invisible à ta race royale !
L’œil voilé de la taupe au jour semble fermé ;
L’œil du lynx est dans l’ombre un rayon enflammé ;
L’oreille est du lion le plus sûr sentinelle,
Et le chien de l’odeur suit la trace fidèle.
Des habitants muets fendent le sein des eaux ;
La voix d’un peuple ailé réjouit les berceaux.
Vois l’abeille avec art, de l’herbe envenimée
Extraire en voltigeant sa liqueur parfumée.
Arachné tend sa toile ; elle y vit à la fois
Dans tous les fils tremblants qu’entrelacent ses doigts
Compare au vil instinct qui paît le gland du chêne,
De ce noble éléphant la raison presque humaine !
Dans les plis du cerveau quelle étroite cloison
A du grossier instinct séparé la raison !
Auprès du jugement la mémoire est placée,
Et le sentiment veille auprès de la pensée.
C’est en vain que tu vois tous ces êtres voisins