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animaux humains. Ils virent ceux du coq et du pigeon, mais comme des vers ou des anguilles. L’observation s’affermissait et s’étendait, et les trois confidens de ce secret de la nature ne doutaient presque plus que tous les animaux ne naquissent par des métamorphoses invisibles et cachées, comme toutes les espèces de mouches et de papillons viennent de métamorphoses sensibles et connues.

Ces trois hommes seuls savaient quelle liqueur renfermait les animaux ; et quand on les faisait voir à d’autres, on leur disait que c’était de la salive, quoique certainement elle n’en contienne point. Comme Leuvenhoeck a écrit dans quelques unes de ses lettres qu’il avait vu dans de la salive une infinité de petits animaux, on pourrait le soupçonner d’avoir été trompé par le bruit qui s’en était répandu. Il n’aura peut-être pas voulu ne point voir ce que d’autres voyaient, lui qui était en possession des observations microscopiques les plus fines, et à qui tous les objets invisibles appartenaient.

L’illustre Huyghens étant venu à la Haye pour rétablir sa santé, entendit parler des animaux de la salive qu’un jeune homme faisait voir à Rotterdam, et il marqua beaucoup d’envie d’en être convaincu par ses propres yeux. Aussitôt Hartsoëker, ravi d’entrer en liaison avec ce grand homme, alla à la Haye. Il lui confia et à quelques autres personnes ce que c’était que la liqueur où nageaient les animaux : car à mesure que l’observation s’établissait, la timidité et les scrupules diminuaient naturellement : de plus, la beauté de la découverte serait demeurée trop imparfaite, et les conséquences philosophiques qui en pouvaient naître de-