Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome II, 1825.djvu/84

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l’embellît trop par ses discours : à peine se pouvait-il résoudre à l’expliquer ; il fallait presque que les pièces de son cabinet parlassent pour lui.

On y en compte jusqu’à quatre-vingts d’importantes, soit squelettes entiers, soit parties d’animaux. Trente de ces pièces regardent l’homme ; et celles où sont tous les nerfs, conduits depuis leur origine jusqu’à leurs extrémités, a dû lui coûter des trois ou quatre mois de travail. Une adresse singulière, et une persévérance infatigable, ont été nécessaires pour finir ces ouvrages ; aussi était-ce là ce qui l’enlevait à tout. Il était toujours pressé de rentrer dans ce lieu où toutes ces machines démontées et dépouillées de ce qui nous les cache, en les revêtant, lui présentaient la nature plus à nu, et lui donnaient toujours à lui-même de nouvelles instructions. Cependant, pour ne se pas trop glorifier de la connaissance qu’il avait de la structure des animaux, il faisait réflexion sur l’ignorance où l’on est de l’action et du jeu des liqueurs. Nous autres anatomistes, m’a-t-il dit une fois, nous sommes comme les crocheteurs de Paris, qui en connaissent toutes les rues jusqu’aux plus petites et aux plus écartées ; mais qui ne savent pas ce qui se passe dans les maisons.

On a vu de lui dans nos volumes quantité de morceaux sur ce que devient l’air entré dans les poumons, sur l’iris de l’œil, sur la choroïde, etc. Il a donné une nouvelle structure au nerf optique, et a osé avancer qu’un animal se multiplie sans accouplement ; c’est la moule d’étang, dont il a donné la singulière et bizarre anatomie[1] ; mais ce qui a fait le plus de bruit dans

  1. Voyez l’Histoire de 1710, pag. 30 et suiv.