Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome II, 1825.djvu/86

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et la timidité opposée ; seulement pouvons-nous dire qu’en fait de sciences, les hommes sont nés dogmatiques et hardis, et qu’il leur en coûte plus d’efforts pour être timides et pyrrhoniens.

Cependant Mery, peu disposé à prendre trop facilement les opinions les plus dominantes, ne l’était pas davantage à quitter facilement les siennes particulières. Le témoignage qu’il se rendait de la grande sûreté de ses observations, et du peu de précipitation de ses conséquences, l’affermissait dans ce qu’il avait une fois pensé déterminément. La vie retirée y contribuait encore ; les idées qu’on y prend sont plus roides et plus inflexibles, faute d’être traversées, pliées par celles des autres, entretenues dans une certaine souplesse : on s’accoutume trop dans la solitude à ne penser que comme soi. Cette même retraite lui faisait ignorer aussi des ménagemens d’expressions nécessaires dans la dispute ; il ne donnait point à entendre qu’un fait rapporté était faux, qu’un sentiment était absurde : il le disait ; mais cet excès de naïveté et de sincérité ne blessait pas tant dans l’intérieur de l’académie. Et si les suites assez ordinaires du savoir n’y étaient excusées, où le seraient-elles ? On y a remarqué avec plaisir, que Mery, quelque attaché qu’il fût à ses sentimens, en avait changé en quelques occasions. Par exemple, il avait d’abord fort approuvé l’opération du frère Jacques, et il se rétracta dans la suite. Il était de bonne grâce d’avoir commencé par l’approbation. Un anatomiste de la compagnie raconte qu’il a convaincu Mery sur certains points qui lui avaient paru d’abord insoutenables ; et il le raconte pour la gloire de Mery, et non pour la sienne.