Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/294

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exemple de l’extrême liberté avec laquelle il insultait la religion qu’il suivait lui-même ; en mille autres endroits, il ne fait pas plus de grâce aux poulets sacrés, au vol des oiseaux, et à tous les miracles dont les annales des pontifes étaient remplies.

Pourquoi ne lui faisait-on pas son procès sur son impiété ? Pourquoi tout le peuple ne le regardait-il pas avec horreur ? Pourquoi tous les collèges des prêtres ne s’élevaient-ils pas contre lui ? Il y a lieu de croire que, chez les païens, la religion n’était qu’une pratique, dont la spéculation était indifférente. Faites comme les autres, et croyez ce qu’il vous plaira. Ce principe est fort extravagant ; mais le peuple, qui n’en reconnaissait pas l’impertinence, s’en contentait, et les gens d’esprit s’y soumettaient aisément, parce qu’il ne les gênait guère.

Aussi voit-on que toute la religion païenne ne demandait que des cérémonies, et nuls sentiments du cœur. Les dieux sont irrités, tous leurs foudres sont prêts à tomber : comment les apaisera-t-on ? Faut-il se repentir des crimes qu’on a commis ? Faut-il rentrer dans les voies de la justice naturelle, qui devrait être entre tous les hommes ? Point du tout ; il faut seulement prendre un veau de telle couleur, né en tel temps, l’égorger avec un tel couteau, et cela désarmera les dieux : encore vous est-il permis de vous moquer en vous-même du sacrifice, si vous voulez ; il n’en ira pas plus mal.

Apparemment qu’il en était de même des oracles ; y croyait qui voulait ; mais on ne laissait pas de les consulter. La coutume a sur les hommes une force qui n’a nullement besoin d’être appuyée de la raison.