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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/313

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peuples, frappés du merveilleux de la chose, et avides de l’utilité qu’ils en espèrent, ne demandent qu’à voir naître des oracles, en tous lieux, et puis l’ancienneté survient à tous ces oracles, qui leur fait tous les biens du monde. Les nouveaux n’avaient garde de réussir tant : c’étaient les princes qui les établissaient. Les peuples croient bien mieux à ce qu’ils ont fait eux-mêmes.

Ajoutez à tout cela que, dans le temps de la première institution et des dieux et des oracles, l’ignorance était beaucoup plus grande qu’elle ne fut dans la suite. La philosophie n’était point encore née, et les superstitions les plus extravagantes n’avaient aucune contradiction à essuyer de sa part. Il est vrai que ce qu’on appelle le peuple n’est jamais fort éclairé ; cependant, la grossièreté dont il est toujours reçoit encore quelque différence selon les siècles ; du moins, il y en a où tout le monde est peuple, et ceux-là sont sans comparaison les plus favorables à l’établissement des erreurs. Ce n’est donc pas merveille si les peuples faisaient moins de cas des nouveaux oracles que des anciens ; mais cela n’empêchait pas que les anciens ne ressemblassent parfaitement aux nouveaux. Ou un démon allait se loger dans un temple Éphestion, pour y rendre des oracles, dès qu’il avait plu à Alexandre d’en faire élever un à Éphestion comme à un dieu ; ou, s’il se rendait des oracles dans ce temple sans démon, il pouvait bien s’en rendre de même dans le temple d’Apollon Pythien. Or, il serait, ce me semble, fort étrange et fort surprenant qu’il n’eût fallu qu’une fantaisie d’Alexandre pour envoyer un démon en possession d’un temple, et faire naître par là une éternelle occasion d’erreur à tous les hommes.