Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/323

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des ennemis clairvoyants, et qu’ils tâchèrent par ce faux oracle d’obtenir d’un empereur païen qu’il fit jeter hors de là ces corps dont le dieu se plaignait.

Pour revenir présentement aux artifices dont les oracles étaient pleins, et pour comprendre en une seule réflexion toutes celles qu’on peut faire là-dessus, je voudrais bien qu’on me dit pourquoi les démons ne pouvaient prédire l’avenir que dans des trous, dans des cavernes et dans des lieux obscurs, et pourquoi ils ne s’avisaient jamais d’animer une statue, ou de faire parler une prêtresse dans un carrefour, exposée de toutes parts aux yeux de tout le monde.

On pourra dire que les oracles qui se rendaient sur des billets cachetés, et plus encore ceux qui se rendaient en songe, avaient absolument besoin de démons ; mais il nous sera bien aisé de faire voir qu’ils n’avaient rien de plus miraculeux que les autres.


CHAPITRE XIV

Des oracles qui se rendaient sur les billets cachetés.

Les prêtres n’étaient pas scrupuleux jusqu’au point de n’oser décacheter les billets qu’on leur apportait : il fallait qu’on les laissât sur l’autel, après quoi on fermait le temple, où les prêtres savaient bien rentrer sans qu’on s’en aperçût ; ou bien il fallait mettre ces billets entre les mains des prêtres, afin qu’ils dormissent dessus et reçussent en songe la réponse qu’il y fallait faire ; et dans l’un et l’autre cas, ils avaient le loisir et la liberté de les ouvrir. Ils savaient pour cela plusieurs secrets, dont nous voyons quelques-uns mis