Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/322

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l’autre Démétrius le Stoïcien, l’autre Démétrius le Péripatéticien.

La coutume d’exclure les épicuriens de tous les mystères était si générale et si nécessaire pour la sûreté des choses sacrées, qu’elle fut prise par ce grand fourbe dont Lucien nous décrit si agréablement la vie, cet Alexandre qui joua si longtemps les Grecs avec ses serpents. Il avait même ajouté les chrétiens aux épicuriens, parce qu’à son égard ils ne valaient pas mieux les uns que les autres ; et avant que de commencer ses cérémonies, il criait : « Qu’on chasse d’ici les chrétiens » ; à quoi le peuple répondait, comme en une espèce de chœur : « Qu’on chasse les épicuriens. » Il fit bien pis ; car, se voyant tourmenté par ces deux sortes de gens, qui, quoique poussés par différents intérêts, conspiraient à tourner ces cérémonies en ridicule, il déclara que le Pont, où il faisait alors sa demeure, se remplissait d’impies, et que le dieu dont il était le prophète ne parlerait plus, si on ne l’en voulait défaire ; et sur cela il fit courir sus aux chrétiens et aux épicuriens.

L’Apollon de Daphné, faubourg d’Antioche, était dans la même peine, lorsque, du temps de Julien l’Apostat, il répondit à ceux qui lui demandaient la cause de son silence, qu’il s’en fallait prendre à de certains morts enterrés dans le voisinage. Ces morts étaient des martyrs chrétiens, et entre autres saint Babylas. On veut communément que ce fût la présence de ces corps bienheureux qui était aux démons le pouvoir de parler dans l’oracle ; mais il y a plus d’apparence que le grand concours de chrétiens qui se faisait aux sépulcres de ces martyrs incommodait les prêtres d’Apollon, qui n’aimaient pas à avoir pour témoins de leurs actions