Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/325

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monde. Les prêtres avaient tant de commerce avec eux, à l’occasion des sacrifices qu’il fallait faire, ou des délais qu’il fallait observer avant que l’oracle parlât, qu’il n’était pas trop difficile de tirer de leur bouche, ou du moins de conjecturer quel était le sujet de leur voyage. On leur faisait recommencer sacrifices sur sacrifices, jusqu’à ce qu’on se fût éclairci. On les mettait entre les mains de certains menus officiers du temple, qui, sous prétexte de leur en montrer les antiquités, les statues, les peintures, les offrandes, avaient l’art de les faire parler sur leurs affaires. Ces antiquaires, pareils à ceux qui vivent aujourd’hui de ce métier en Italie, se trouvaient dans tous les temples un peu considérables. Ils savaient par cœur tous les miracles qui s’y étaient faits ; ils vous faisaient bien valoir la puissance et les merveilles du dieu ; ils vous contaient fort au long l’histoire de chaque présent qu’on lui avait consacré. Sur cela, Lucien dit assez plaisamment que tous ces gens-là ne vivaient et ne subsistaient que de fables, et que dans la Grèce on eût été bien fâché d’apprendre des vérités dont il n’eût rien coûté. Si ceux qui venaient consulter l’oracle ne parlaient point, leurs domestiques se taisaient-ils ? Il faut savoir que dans une ville à oracle, il n’y avait presque que des officiers de l’oracle. Les uns étaient prophètes et prêtres ; les autres poètes, qui habillaient en vers les oracles rendus en prose ; les autres simples interprètes ; les autres petits sacrificateurs, qui immolaient les victimes et en examinaient les entrailles ; les autres vendeurs de parfums ou d’encens, ou de bêtes pour les sacrifices ; les autres antiquaires ; les autres, enfin, n’étaient que des hôteliers, que le grand abord des étrangers enrichissait. Tous ces gens-là étaient