Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/328

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à Saturne, à Junon, à une Cérès-Europe, qui avait été nourrice de Trophonius, et on ne vivait que des chairs sacrifiées. Les prêtres apparemment ne vivaient aussi d’autre chose. Il fallait consulter les entrailles de toutes ces victimes, pour voir si Trophonius trouvait bon que l’on descendît dans son antre : mais quand elles auraient été toutes les plus heureuses du monde, ce n’était encore rien ; les entrailles qui décidaient étaient celles d’un certain bélier qu’on immolait en dernier lieu. Si elles étaient favorables, on vous menait la nuit au fleuve Hircinas. Là, deux jeunes enfants de douze à treize ans vous frottaient tout le corps d’huile. Ensuite, on vous conduisait jusqu’à la source du fleuve, et on vous y faisait boire de deux sortes d’eaux, celles de Léthé, qui effaçaient de votre esprit toutes les pensées profanes qui vous avaient occupé auparavant, et celles de Mnémosyne, qui avaient la vertu de vous faire retenir tout ce que vous deviez voir dans l’antre sacré.

Après tous ces préparatifs, on vous faisait voir la statue de Trophonius à qui vous faisiez vos prières ; on vous équipait d’une tunique de lin, on vous mettait de certaines bandelettes sacrées, et enfin vous alliez à l’oracle.

L’oracle était sur une montagne, dans une enceinte faite de pierres blanches, sur laquelle s’élevaient des obélisques d’airain. Dans cette enceinte était une caverne, de la figure d’un four, taillée de main d’homme. Là s’ouvrait un trou assez étroit, où l’on ne descendait point par des degrés, mais par de petites échelles. Quand on y était descendu, on trouvait une autre petite caverne, dont l’entrée était assez étroite. On se couchait à terre : on prenait dans chaque main de certaines