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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/339

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Dans l’Orient, les sorts étaient des flèches, et aujourd’hui encore les Turcs et les Arabes s’en servent de la même manière. Ézéchiel dit que Nabuchodonosor mêla ses flèches contre Ammon et Jérusalem, et que la flèche sortit contre Jérusalem. C’était là une belle manière de résoudre auquel de ces deux peuples il ferait la guerre.

Dans la Grèce et dans l’Italie, on tirait souvent les sorts de quelque poète célèbre, comme Homère ou Euripide ; ce qui se présentait à l’ouverture du livre était l’arrêt du ciel. L’histoire en fournit mille exemples.

On voit même que quelque deux cents ans après la mort de Virgile, on faisait déjà assez de cas de ses vers pour les croire prophétiques, et pour les mettre en la place des sorts qui avaient été à Préneste. Car Alexandre Sévère, encore particulier, et dans le temps que l’empereur Héliogabale ne lui voulait pas de bien, reçut pour réponse, dans le temple de Préneste, cet endroit de Virgile dont le sens est : « Si tu peux surmonter les destins contraires, tu seras Marcellus. »

Ici mon auteur se souvient que Rabelais a parlé des sorts virgilianes, que Panurge va consulter sur son mariage ; et il trouve cet endroit du livre aussi savant qu’il est agréable et badin. Il dit que les bagatelles et les sottises de Rabelais valent souvent mieux que les discours les plus sérieux des autres. Je n’ai point voulu oublier cet éloge, parce que c’est une chose singulière que de la rencontrer au milieu d’un traité des oracles, plein de science et d’érudition. Il est certain que Rabelais avait beaucoup d’esprit et de lecture, et un art très particulier de débiter des choses savantes comme de pures fadaises, et de dire de pures fadaises, le plus souvent,