Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/346

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Il me semble que Cicéron entend que la vertu tout entière avait cessé, et il eût bien vu qu’il en eût toujours dû demeurer une bonne partie, quand il ne se fût plus rendu à Delphes que des oracles en prose. N’est-ce donc rien qu’une prophétie, à moins qu’elle ne soit en vers ?

Je ne crois pas qu’on ait eu tant de tort de prendre ce passage pour une preuve de la cessation entière de l’oracle de Delphes ; mais on a eu tort de prétendre en tirer avantage pour attribuer cette cessation à la naissance de Jésus-Christ. L’oracle a cessé trop tôt, puisque, selon ce passage, il avait cessé longtemps avant Cicéron.

Mais il n’est pas vrai que la chose soit comme Cicéron paraît l’avoir entendue en cet endroit. Lui-même, au premier livre de la Divination, fait parler en ces termes Quintus, son frère, qui soutient les oracles : « Je m’arrête sur ce point. Jamais l’oracle de Delphes n’eût été si célèbre, et jamais il n’eût reçu tant d’offrandes des peuples et des rois, si de tout temps on n’eût reconnu la vérité de ses prédictions. Il n’est pas si célèbre présentement. Comme il l’est moins, parce que ses prédictions sont moins vraies, jamais, si elles n’eussent été extrêmement vraies, il n’eût été célèbre au point qu’il l’a été. »

Mais ce qui est encore plus fort, Cicéron même, à ce que dit Plutarque dans sa Vie, avait dans sa jeunesse consulté l’oracle de Delphes sur la conduite qu’il devait tenir dans le monde, et il lui avait été répondu qu’il suivît son génie plutôt que de se régler sur les opinions vulgaires. S’il n’est pas vrai que Cicéron ait consulté l’oracle de Delphes, il faut du moins que, du temps de Cicéron, on le consultât encore.