Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/367

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de Valentinien, d’Honorius et d’Anastase. Tantôt ils nomment leurs édits des statuts célestes, des oracles divins ; tantôt ils disent très nettement : la très heureuse expédition de notre divinité, etc.

On peut dire que ce n’était là qu’un style de chancellerie ; mais c’était un fort mauvais style, ridicule pendant le paganisme même, et impie dans le christianisme ; et puis n’est-il pas merveilleux que de pareilles extravagances deviennent des manières de parler familières et communes, dont on ne peut plus se passer ?

La vérité est que la flatterie des sujets pour leurs maîtres et la faiblesse naturelle des princes pour les louanges maintinrent l’usage de ces expressions plus longtemps qu’il n’aurait fallu. J’avoue qu’il faut supposer et cette flatterie et cette faiblesse extrêmes, chacune dans son genre ; mais aussi ces deux choses-là n’ont-elles pas de bornes. On donne sérieusement à un homme le nom de Dieu ; cela n’est presque pas concevable, et ce n’est pourtant encore rien. Cet homme le reçoit : il le reçoit si bien, qu’il s’accoutume lui-même à se le donner : et cependant ce même homme avait une idée sainte de ce que c’est que Dieu. Ajustez-moi tout cela d’une manière qui sauve l’honneur de la nature humaine.

Quant au titre de souverain pontife, il n’était pas si flatteur que la vanité des empereurs chrétiens fût intéressée à se le conserver. Peut-être croyaient-ils qu’il leur servirait à tenir encore plus dans le respect ce qui restait de païens ; peut-être n’eussent-ils pas été fâchés de se rendre chefs de la religion chrétienne à la faveur de l’équivoque. En effet, on voit quelques occasions où ils en usaient assez en maîtres, et quelques-uns ont