Aller au contenu

Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une autre Phriné que moi (car le nom est heureux) étant sur le point de perdre une cause fort importante, son avocat, qui avait épuisé vainement toute son éloquence pour elle, s’avisa de lui arracher un grand voile qui la couvrait en partie ; et aussitôt, à la vue des beautés qui parurent, les juges, qui étaient prêts à la condamner, changèrent d’avis. C’est ainsi que le bruit de vos armes ne put, pendant un grand nombre d’années, faire taire un orateur, et que les attraits d’une belle personne corrompirent en un moment tout le sévère aréopage.

ALEXANDRE.

Quoique vous ayez appelé encore une Phriné à votre secours, je ne crois pas que le parti d’Alexandre en soit plus faible. Ce serait grande pitié, si…

PHRINÉ.

Je sais ce que vous m’allez dire. La Grèce, l’Asie, la Perse, les Indes, tout cela est un bel étalage. Cependant, si je retranchais de votre gloire ce qui ne vous en appartient pas ; si je donnais à vos soldats, à vos capitaines, au hasard même la part qui leur en est due, croyez-vous que vous n’y perdissiez guère ? Mais une belle ne partage avec personne l’honneur de ses conquêtes ; elle ne doit rien qu’à elle-même. Croyez-moi, c’est une jolie condition que celle d’une jolie femme.

ALEXANDRE.

il a paru que vous en avez été bien persuadée. Mais pensez-vous que ce personnage s’étende aussi loin que vous l’avez poussé.

PHRINÉ.

Non, non, car je suis de bonne foi. J’avoue que j’ai