Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extrêmement outré le caractère de jolie femme ; mais vous avez outré aussi celui de grand homme. Vous et moi, nous avons fait trop de conquêtes. Si je n’avais eu que deux ou trois galanteries tout au plus, cela était dans l’ordre, et il n’y avait rien à redire ; mais d’en avoir assez pour rebâtir les murailles de Thèbes, c’était aller beaucoup plus loin qu’il ne fallait. D’autre côté, si vous n’eussiez fait que conquérir la Grèce, les îles voisines, et peut-être encore quelque petite partie de l’Asie mineure, et vous en composer un état, il n’y avait rien de mieux entendu ni de plus raisonnable : mais de courir toujours sans savoir où, de prendre toujours des villes, sans savoir pourquoi, et d’exécuter toujours, sans avoir aucun dessein, c’est ce qui n’a pas plu à beaucoup de personnes bien sensées.

ALEXANDRE.

Que ces personnes bien sensées en disent tout ce qu’il leur plaira. Si j’avais usé si sagement de ma valeur et de ma fortune, on n’aurait presque point parlé de moi.

PHRINÉ.

Ni de moi non plus, si j’avais usé trop sagement de ma beauté. Quand on ne veut que faire du bruit, ce ne sont pas les caractères les plus raisonnables qui y sont les plus propres.


DIALOGUE II.

MILON, SMINDIRIDE.


SMINDIRIDE.

Tu es donc bien glorieux, Milon, d’avoir porté un bœuf sur tes épaules aux jeux olympiques ?