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MILON.

Je vois bien ce que c’est. Les gens d’esprit ont assurément plus de plaisirs qu’il ne leur en faut, et ils permettent à leur délicatesse d’en retrancher ce qu’ils ont de trop. Ils veulent bien être sensibles aux plus petits désagrémens, parce qu’il y a d’ailleurs assez d’agrémens pour eux, et sur ce pied là, je trouve qu’ils ont raison.

SMINDIRIDE.

Ce n’est point du tout cela. Les gens d’esprit n’ont point plus de plaisirs qu’il ne leur en faut.

MILON.

Ils sont donc fous de s’amuser à être si délicats ?

SMINDIRIDE.

Voilà le malheur. La délicatesse est tout-à-fait digne des hommes ; elle n’est produite que par les bonnes qualités et de l’esprit et du cœur : on se sait bon gré d’en avoir ; on tâche à en acquérir, quand on n’en a pas. Cependant la délicatesse diminue le nombre des plaisirs, et on n’en a point trop ; elle est cause qu’on les sent moins vivement, et d’eux-mêmes ils ne sont point trop vifs. Que les hommes sont à plaindre ! leur condition naturelle leur fournit peu de choses agréables, et leur raison leur apprend a en goûter encore moins.


DIALOGUE III.

DIDON, STRATONICE.


DIDON.

Hélas ! ma pauvre Stratonice, que je suis malheureuse ! Vous savez comme j’ai vécu. Je gardai une fidé-