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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/395

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sance n’agisse dans le cœur de la belle, plus que l’inclination ?

MILON.

Non, je n’en ai jamais vu. Mais quand cela serait ?

SMINDIRIDE.

Et n’as-tu jamais entendu parler de quelque conquérant, qui, au retour d’une expédition glorieuse se trouvât peu satisfait de ses triomphes, parce que la fortune y aurait eu plus de part que sa valeur, ni sa conduite, et que ses desseins auraient réussi sur des mesures fausses et mal prises ?

MILON.

Non, je n’en ai point entendu parler. Mais encore une fois, qu’en veux-tu conclure ?

SMINDIRIDE.

Que cet amant et ce conquérant, et généralement presque tous les hommes, quoique couchés sur des fleurs, ne sauraient dormir, s’il y en a une seule feuille pliée en deux. Il ne faut rien pour gâter les plaisirs. Ce sont des lits de roses, où il est bien difficile que toutes les feuilles se tiennent étendues, et qu’aucune ne se plie ; cependant le pli d’une seule suffit pour incommoder beaucoup.

MILON.

Je ne suis pas fort savant sur ces matières-là ; mais il me semble que toi, et l’amant et le conquérant que tu supposes, et tous tant que vous êtes, vous avez extrêmement tort. Pourquoi vous rendez-vous si délicats ?

SMINDIRIDE.

Ah ! Milon, les gens d’esprit ne sont pas des Crotoniates comme toi ; mais ce sont des Sibarites encore plus raffinés que je n’étais.