Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/407

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blée de tant de jolies prétendantes, nous parcourions toutes d’une manière inquiète les visages les unes des autres ; et je remarquai avec plaisir que mes rivales me regardaient d’assez mauvais œil. L’empereur parut. Il passa d’abord plusieurs rangs de belles sans rien dire ; mais quand il vint à moi, mes yeux me servirent bien, et ils l’arrêtèrent. En vérité, me dit-il, en me regardant de l’air que je pouvais souhaiter, les femmes sont bien dangereuses, elles peuvent faire beaucoup de mal. Je crus qu’il n’était question que d’avoir un peu d’esprit, et que j’étais impératrice ; et dans le trouble d’espérance et de joie où je me trouvais, je fis un effort pour répondre : En récompense, Seigneur, les femmes peuvent faire et ont fait quelquefois beaucoup de bien. Cette réponse gâta tout. L’empereur la trouva si spirituelle, qu’il n’osa m’épouser.

ATHÉNAÏS.

Il fallait que cet empereur là fut d’un caractère bien étrange, pour craindre tant l’esprit, et qu’il ne s’y connût guère, pour croire que votre réponse en marquât beaucoup ; car franchement, elle n’est pas trop bonne, et vous n’avez pas grand’chose à vous reprocher.

ICASIE.

Ainsi vont les fortunes. L’esprit seul vous a faite impératrice ; et moi la seule apparence de l’esprit m’a empêchée de l’être. Vous saviez même encore la philosophie, ce qui est bien pis que d’avoir de l’esprit, et avec tout cela, vous ne laissâtes pas d’épouser Théodose le jeune.

ATHÉNAÏS.

Si j’eusse eu devant les yeux un exemple comme le