Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/412

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tait une chose incertaine, si vous vous chargeriez du soin des affaires de la terre, ou si vous vous feriez dieu marin, en épousant une fille de Thétis, qui aurait volontiers acheté de toutes ses eaux l’honneur de votre alliance, ou enfin, si vous voudriez vous loger dans le ciel auprès du scorpion, qui tenait la place de deux signes, et qui, en votre considération, se serait mis plus à l’étroit ?

AUGUSTE.

Ne soyez pas étonné que Virgile eût ce front là. Quand on est loué, on ne prend pas les louanges avec tant de rigueur ; on aide à la lettre, et la pudeur de ceux qui les donnent est bien soulagée par l’amour propre de ceux à qui elles s’adressent. Souvent on croit mériter des louanges qu’on ne reçoit pas ; et comment croirait-on ne mériter pas celles qu’on reçoit ?

PIERRE ARÉTIN.

Vous espériez donc sur la parole de Virgile, que vous épouseriez une nymphe de la mer, ou que vous auriez un appartement dans le zodiaque ?

AUGUSTE.

Non, non. De ces sortes de louanges là on en rabat quelque chose, pour les réduire à une mesure un peu plus raisonnable ; mais à la vérité on n’en rabat guère, et on se fait à soi-même une bonne composition. Enfin, de quelque manière outrée qu’on soit loué, on en tirera toujours le profit de croire qu’on est au-dessus de toutes les louanges ordinaires, et que par son mérite, on a réduit ceux qui louaient à passer toutes les bornes. La vanité a bien des ressources.

PIERRE ARÉTIN.

Je vois bien qu’il ne faut faire aucune difficulté de