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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/413

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pousser les louanges dans tous les excès ; mais du moins pour celles qui sont contraires les unes aux autres, comment a-t-on la hardiesse de les donner aux princes ? Je gage, par exemple, que quand vous vous vengiez impitoyablement de vos ennemis, il n’y avait rien de plus glorieux, selon toute votre cour, que de foudroyer tout ce qui avait la témérité de s’opposer à vous ; mais qu’aussitôt que vous aviez fait quelque action de douceur, les choses changeaient de face, et qu’on ne trouvait plus dans la vengeance qu’une gloire barbare et inhumaine. On louait une partie de votre vie aux dépens de l’autre. Pour moi, j’aurais craint que vous ne vous fussiez donné le divertissement de me prendre par mes propres paroles, et que vous ne m’eussiez dit : Choisissez de la sévérité ou de la clémence, pour en faire le vrai caractère et un héros, mais après cela, tenez-vous-en à votre choix.

AUGUSTE.

Pourquoi voulez-vous qu’on y regarde de si près ? Il est avantageux aux grands que toutes les matières soient problématiques pour la flatterie. Quoi qu’ils fassent, ils ne peuvent manquer d’être loués ; et s’ils le sont sur des choses opposées, c’est qu’ils ont plus d’une sorte de mérite.

PIERRE ARÉTIN.

Mais quoi, ne vous venait-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accablait ? Était-il besoin de raffiner beaucoup, pour s’apercevoir qu’ils étaient attaches à votre rang ? Les louanges ne distinguent point les princes : on n’en donne pas plus aux héros qu’aux autres ; mais la postérité distingue les louanges qu’on a données à différens princes. Elle