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ble mélange de plaisirs et de peine qu’on appelle amour ? Rien ne serait plus insipide, si l’on ne faisait que s’entr’aimer.

SAPHO.

Hé bien, s’il faut que l’amour soit une espèce de combat, j’aimerais mieux qu’on eût obligé les hommes à se tenir sur la défensive. Aussi bien, ne m’avez-vous pas dit que les femmes avaient plus de penchant qu’eux à la tendresse ? À ce compte, elles attaqueraient mieux.

LAURE.

Oui, mais ils se défendraient trop bien. Quand on veut qu’un sexe résiste, on veut qu’il résiste autant qu’il faut pour faire mieux goûter la victoire à celui qui attaque, mais non pas assez pour la remporter. Il doit n’être ni si faible, qu’il se rende d’abord, ni si fort, qu’il ne se rende jamais. C’est là notre caractère, et ce ne serait peut-être pas celui des hommes. Croyez-moi, après qu’on a bien raisonné ou sur l’amour, ou sur telle autre matière qu’on voudra, on trouve au bout du compte que les choses sont bien comme elles sont, et que la reforme qu’on prétendrait y apporter gâterait tout.


DIALOGUE III.

SOCRATE, MONTAIGNE.


MONTAIGNE.

C’est donc vous, divin Socrate ? Que j’ai de joie de vous voir ! Je suis tout fraîchement venu en ce pays-ci, et dès mon arrivée, je me suis mis à vous y chercher. Enfin, après avoir rempli mon livre de votre nom et de vos éloges, je puis m’entretenir avec vous,