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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/423

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d’hommes assez déraisonnables qui naissent en cent ans, la nature en a peut-être deux ou trois douzaines de raisonnables, qu’il faut qu’elle répande par toute la terre ; et vous jugez bien qu’ils ne se trouvent jamais nulle part en assez grande quantité, pour y faire une mode de vertu et de droiture.

MONTAIGNE.

Cette distribution d’hommes raisonnables se fait-elle également ? Il pourrait y avoir des siècles mieux partagés les uns que les autres.

SOCRATE.

Tout au plus il y aurait quelque inégalité imperceptible. L’ordre général de la nature a l’air bien constant.


DIALOGUE IV.

L’EMPEREUR ADRIEN, MARGUERITE D’AUTRICHE.


MARGUERITE D’AUTRICHE.

Qu’avez-vous ? je vous vois tout échauffé.

ADRIEN.

Je viens d’avoir une grosse contestation avec Caton d’Utique, sur la manière dont nous sommes morts l’un et l’autre. Je prétendais avoir paru dans cette dernière action plus philosophe que lui.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Je vous trouve bien hardi d’oser attaquer une mort aussi fameuse que la sienne. Ne fût-ce pas quelque chose de fort glorieux, que de pourvoir à tout dans Utique, de mettre tous ses amis en sûreté, et de se tuer lui-même, pour expirer avec la liberté de sa patrie, et pour ne pas