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Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/443

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je crois que ce qui arriva à ces Perses là, arriverait à bien d’autres, si l’on séparait leur mérite personnel d’avec celui que la fortune leur a donné.

CHARLES V.

Mais quel est ce mérite personnel ?

ÉRASME.

Faut-il le demander ? Tout ce qui est en nous. L’esprit, par exemple, les sciences.

CHARLES V.

Et l’on peut avec raison en tirer de la gloire ?

ÉRASME.

Sans doute. Ce ne sont pas des biens de fortune, comme la noblesse ou les richesses.

CHARLES V.

Je suis surpris de ce que vous dites. Les sciences ne viennent-elles pas aux savans, comme les richesses viennent à la plupart des gens riches ? N’est-ce pas par voie de succession ? Vous héritez des anciens, vous autres hommes doctes, ainsi que nous de nos pères. Si on nous a laissé tout ce que nous possédons, on vous a laissé aussi ce que vous savez ; et de la vient que beaucoup de savans regardent ce qu’ils ont reçu des anciens, avec le même respect que quelques gens regardent les terres et les maisons de leurs aïeux, où ils seraient fâchés de rien changer.

ÉRASME.

Mais les grands naissent héritiers de la grandeur de leurs pères, et les savans n’étaient pas nés héritiers des connaissances des anciens. La science n’est point une succession qu’on reçoit, c’est une acquisition toute nouvelle que l’on entreprend de faire ; ou si c’est une suc-