Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/446

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d’accord que vous ressemblassiez tout-à-fait à Pénélope ; mais ou ne trouve point de comparaisons qui ne soient défectueuses en quelque point.

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

Si vous n’étiez pas encore aussi étourdi que vous l’étiez, et que vous puissiez songer à ce que vous dites…

LE DUC D’ALENÇON.

Bon, je vous conseille de prendre votre sérieux. Voilà comme vous avez toujours fait des fanfaronnades de virginité ; témoin cette grande contrée d’Amérique, à laquelle vous fîtes donner le nom de Virginie, en mémoire de la plus douteuse de toutes vos qualités. Ce pays-là serait assez mal nommé, si ce n’était que par bonheur il est dans un autre monde : mais il n’importe ; ce n’est pas là de quoi il s’agit. Rendez-moi un peu raison de cette conduite mystérieuse que vous avez tenue, et de tous ces projets de mariage qui n’ont abouti à rien. Est-ce que les six mariages de Henri VIII votre père vous apprirent à ne vous point marier, comme les courses perpétuelles de Charles V apprirent à Philippe II à ne point sortir de Madrid ?

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

Je pourrais m’en tenir à la raison que vous me fournissez ; en effet, mon père passa toute sa vie à se marier et à se démarier, à répudier quelques unes de ses femmes, et à faire couper la tête aux autres. Mais le vrai secret de ma conduite, c’est que je trouvais qu’il n’y avait rien de plus joli que de former des desseins, de faire des préparatifs, et de n’exécuter point. Ce qu’on a le plus ardemment désiré, diminue du prix des qu’on l’obtient ; et les choses ne passent point de notre imagination à la réalité, qu’il n’y ait de la perte.