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Vous venez en Angleterre pour m’épouser : ce ne sont que bals, que fêtes, que réjouissances ; je vais même jusqu’à vous donner un anneau. Jusques-là, tout est le plus riant du monde ; tout ne consiste qu’en apprêts et en idées : aussi ce qu’il y a d’agréable dans le mariage est déjà épuisé. Je m’en tiens là, et vous renvoie.

LE DUC D’ALENÇON.

Franchement, vos maximes ne m’eussent point accommodé ; j’eusse voulu quelque chose de plus que des chimères.

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

Ah ! si l’on ôtait les chimères aux hommes, quel plaisir leur resterait-il ? Je vois bien que vous n’aurez pas senti tous les agrémens qui étaient dans votre vie ; mais en vérité vous êtes bien malheureux qu’ils aient été perdus pour vous.

LE DUC D’ALENÇON.

Quoi ! quels agrémens y avait-il dans ma vie ? Rien ne m’a jamais réussi. J’ai pensé quatre fois être roi : d’abord il s’agissait de la Pologne, ensuite de l’Angleterre et des Pays-Bas, enfin la France devait apparemment m’appartenir ; cependant je suis arrivé ici sans avoir régné.

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

Et voilà ce bonheur dont vous ne vous êtes pas aperçu. Toujours des imaginations, des espérances, et jamais de réalité. Vous n’avez fait que vous préparer à la royauté pendant toute votre vie, comme je n’ai fait pendant toute la mienne que me préparer au mariage.

LE DUC D’ALENÇON.

Mais comme je crois qu’un mariage effectif pouvait