Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/448

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vous convenir, je vous avoue qu’une véritable royauté eût été assez de mon goût.

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

Les plaisirs ne sont point assez solides pour souffrir qu’on les approfondisse ; il ne faut que les effleurer : ils ressemblent à ces terres marécageuses, sur lesquelles on est obligé de courir légèrement, sans y arrêter jamais le pied.


DIALOGUE IV.

GUILLAUME DE CABESTAN, ALBERT-FRÉDÉRIC DE BRANDEBOURG.


ALBERT-FRÉDÉRIC DE BRANDEBOURG.

Je vous aime mieux, d’avoir été fou aussi bien que moi. Apprenez-moi un peu l’histoire de votre folie : comment vint-elle ?

GUILLAUME DE CABESTAN.

J’étais un poète provençal, fort estimé dans mon siècle, ce qui ne fit que me porter malheur. Je devins amoureux d’une dame, que mes ouvrages rendirent illustre ; mais elle prit tant de goût à mes vers, qu’elle craignit que je n’en fisse un jour pour quelque autre ; et afin de s’assurer de la fidélité de ma muse, elle me donna un maudit breuvage, qui me fit tourner l’esprit, et me mit hors d’état de composer.

ALBERT-FRÉDÉRIC DE BRANDEBOURG.

Combien y a-t-il que vous êtes mort ?

GUILLAUME DE CABESTAN.

Il y a peut-être quatre cents ans.

ALBERT-FRÉDÉRIC DE BRANDEBOURG.

Il fallait que les poètes fussent bien rares dans votre