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revivre, et qu’on me donne l’homme du monde le plus impérieux, je ferai de lui tout ce qu’il me plaira, pourvu que j’aie beaucoup d’esprit, assez de beauté, et peu d’amour.


DIALOGUE VI.

JEANNE Ire DE NAPLES, ANSELME.


JEANNE DE NAPLES.

Quoi ! ne pouvez-vous pas me faire quelque prédiction ? Vous n’avez pas oublié toute l’astrologie que vous saviez autrefois ?

ANSELME.

El comment la mettre en pratique ? nous n’avons point ici de ciel ni d’étoiles.

JEANNE DE NAPLES.

Il n’importe. Je vous dispense d’observer les règles si exactement.

ANSELME.

Il serait plaisant qu’un mort fît des prédictions. Mais encore sur quoi voudriez-vous que j’en fisse ?

JEANNE DE NAPLES.

Sur moi, sur ce qui me regarde.

ANSELME.

Bon ! vous êtes morte, et vous le serez toujours ; voilà tout ce que j’ai à vous prédire. Est-ce que notre condition ou nos affaires peuvent changer ?

JEANNE DE NAPLES.

Non ; mais aussi c’est ce qui m’ennuie cruellement : et quoique je sache qu’il ne m’arrivera rien, si vous vouliez pourtant me prédire quelque chose, cela ne laisserait pas de m’occuper. Vous ne sauriez croire