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les philosophes, qui ont eux-mêmes conservé cette idée si naturelle, il y a l’espace distinct de la matière dont il est le lieu, et où elle peut également être ou n’être pas placée. On ne peut concevoir cet espace qu’infini, et de plus incréé ; et ce second point doit faire de la peine. L’espace serait un être réel semblable à Dieu ; d’ailleurs, il ne serait ni matériel ni spirituel.


XIV.

Si la matière est infinie, il y a autant de matière que d’espace ; tout est plein, et l’idée forcée d’espace devient tout-à-fait inutile : la matière sera elle-même son lieu, parce qu’elle ne peut exister autrement. Il est vrai qu’alors on tombe, à l’égard du mouvement, dans des difficultés qui peuvent paraître considérables. La matière toute en masse ne peut se mouvoir en ligne droite, puisqu’elle n’a pas où aller ; elle ne peut non plus se mouvoir circulairement ; car il n’y a point de centre dans l’infini : une sphère infinie enfermerait contradiction, puisque toute figure est ce qui est terminé extérieurement. Mais tous les inconvéniens seront levés, si l’on conçoit la masse infinie de la matière divisée en une infinité de sphères finies. Ce sont là les fameux tourbillons de Descartes, dont ceci prouve la nécessité, dans l’hypothèse du plein et de l’infinité de la matière. Ils avaient déjà par eux-mêmes une grande apparence de possibilité, et même, pour ainsi dire, un certain agrément philosophique.


XV.

Si la matière est finie, elle ne serait toujours, par