Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieillards, mais seulement ceux, qui avaient ou des maladies, ou beaucoup de dettes, ou des femmes bien incommodes. Quand toutes ces personnes choisies furent sur le bord de la mer, pour immoler la victime, il fut besoin, malgré les femmes, les dettes, les maladies et l’âge, qu’ils composassent leur air, baissassent les yeux à terre, et se mordissent les lèvres : mais par malheur, il se trouva là un enfant qui s’y était coulé : on voulut le chasser, selon l’ordre, et il cria ; Quoi ! avez-vous peur que je n’avale votre taureau ? Cette sottise déconcerta toutes ces gravités contrefaites : on éclata de rire ; le sacrifice fut troublé, et la raison ne revint point aux Tirinthiens. Ils eurent grand tort, après que le taureau leur eut manqué, de ne pas songer à cet antre de Trophonius, qui avait la vertu de rendre les gens si sérieux, et qui fit un effet si remarquable sur vous.

PARMÉNISQUE.

À la vérité, je descendis dans l’antre de Trophonius ; mais l’antre de Trophonius, qui m’attrista si fort, n’est pas ce qu’on pense.

THÉOCRITE.

Et qu’est-ce donc ?

PARMÉNISQUE.

Ce sont les réflexions : j’en avais fait, et je ne riais plus. Si l’oracle eut ordonné aux Tirinthiens d’en faire, ils étaient guéris de leur enjouement.

THÉOCRITE.

J’avoue que je ne sais pas trop ce que c’est que les réflexions ; mais je ne puis concevoir pourquoi elles seraient si chagrines. Ne saurait-on avoir des vues saines, qui ne soient en môme temps tristes ? N’y a-t-il