que l’erreur qui soit gaie, et la raison n’est-elle faite que pour nous tuer ?
Apparemment, l’intention de la nature n’a pas été qu’on pensât avec beaucoup de raffinement ; car elle vend ces sortes de pensées là bien cher. Vous voulez faire des réflexions, nous dit-elle ; prenez-y garde ; je m’en vengerai, par la tristesse qu’elles vous causeront.
Mais vous ne me dites point pourquoi la nature ne veut pas qu’on pousse les réflexions jusqu’où elles peuvent aller ?
Elle a mis les hommes au monde pour y vivre ; et vivre, c’est ne savoir ce que l’on fait la plupart du temps. Quand nous découvrons le peu d’importance de ce qui nous occupe et de ce qui nous touche, nous arrachons à la nature son secret : on devient trop sage, et on ne veut plus agir ; voilà ce que la nature ne trouve pas bon.
Mais la raison qui vous fait penser mieux que les autres, ne laisse pas de vous condamner à agir comme eux.
Vous dites vrai. Il y a une raison qui nous met au-dessus de tout par les pensées ; il doit y en avoir ensuite une autre, qui nous ramène à tout par les actions : mais à ce compte là même, ne vaut-il pas presque autant n’avoir point pensé ?