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MOLIÈRE.

Assez ? Ce n’est rien du tout. Et vous sautiez ainsi par-dessus les hommes que vous ne connaissiez pas, pour aller aux génies ?

PARACELSE.

Les génies ont quelque chose qui pique bien plus la curiosité naturelle.

MOLIÈRE.

Oui ; mais il n’est pardonnable de songer à eux qu’après qu’on n’a plus rien à connaître dans les hommes. On dirait que l’esprit humain a tout épuisé, quand on voit qu’il se forme des objets de sciences qui n’ont peut-être aucune réalité, et dont il s’embarrasse à plaisir. Cependant il est sûr que des objets très réels lui donneraient, s’il voulait, assez d’occupation.

PARACELSE.

L’esprit néglige naturellement les sciences trop simples, et court après celles qui sont mystérieuses. Il n’y a que celles-là sur lesquelles il puisse exercer toute son activité.

MOLIÈRE.

Tant pis pour l’esprit ; ce que vous dites est tout-à-fait à sa honte. La vérité se présente à lui ; mais parce qu’elle est simple, il ne la reconnaît point, et il prend des mystères ridicules pour elle, seulement parce que ce sont des mystères. Je suis persuadé que si la plupart des gens voyaient l’ordre de l’univers tel qu’il est, comme ils n’y remarqueraient ni vertus des nombres, ni propriétés des planètes, ni fatalités attachées à de certains temps ou à de certaines révolutions, ils ne pourraient pas s’empêcher de dire sur cet ordre admirable : Quoi ! n’est-ce que cela ?