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et qu’au même instant on retombe dans les sottises communes ?

MOLIÈRE.

C’est beaucoup que de s’être moqué de soi ; la nature nous y a donné une merveilleuse facilité pour nous empêcher d’être la dupe de nous-mêmes. Combien de fois arrive-t-il que dans le temps qu’une partie de nous fait quelque chose avec ardeur et avec empressement, une autre partie s’en moque ? Et s’il en était besoin même, on trouverait encore une troisième partie qui se moquerait des deux premières ensemble. Ne dirait-on pas que l’homme soit fait de pièces rapportées ?

PARACELSE.

Je ne vois pas qu’il y ait matière sur tout cela d’exercer beaucoup son esprit. Quelques légères réflexions, quelques plaisanteries souvent mal fondées ne méritent pas une grande estime : mais quels efforts de méditation ne faudrait-il pas faire pour traiter des sujets plus relevés ?

MOLIÈRE.

Vous revenez à vos génies, et moi, je ne reconnais que mes sots. Cependant, quoique je n’aie jamais travaillé que sur ces sujets si exposés aux yeux de tout le monde, je puis vous prédire que mes comédies vivront plus que vos sublimes ouvrages. Tout est sujet aux changemces de la mode ; les productions de l’esprit ne sont pas au-dessus de la destinée des habits. J’ai vu je ne sais combien de livres et de genres d’écrire enterrés avec leurs auteurs, ainsi que chez de certains peuples on enterre avec les morts les choses qui leur ont été les plus précieuses pendant leur vie. Je connais parfaitement quelles peuvent être les révolutions de l’empire