Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/72

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pris ce nom, comment aviez-vous le front de le prendre, sans être assuré de le pouvoir soutenir par des preuves très vraisemblables ?

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Mais vous qui me faites tant de questions, et qui êtes si difficile à contenter, comment osiez-vous vous ériger en chef d’une philosophie nouvelle, où toutes les vérités inconnues jusqu’alors devaient être renfermées ?

DESCARTES.

J’avais trouvé beaucoup de choses assez apparentes pour me pouvoir flatter qu’elles étaient vraies, et assez nouvelles pour pouvoir faire une secte à part.

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Et n’étiez-vous point effrayé par l’exemple de tant de philosophes, qui, avec des opinions aussi bien fondées que les vôtres, n’avaient pas laissé d’être reconnus à la fin pour de mauvais philosophes ? On vous en nommerait un nombre prodigieux, et vous ne me sauriez nommer que deux faux Démétrius qui avaient été avant moi. Je n’étais que le troisième dans mon espèce qui eût entrepris de tromper les Moscovites ; mais vous n’étiez pas le millième dans la vôtre, qui eussiez entrepris d’en faire accroire à tous les hommes.

DESCARTES.

Vous saviez bien que vous n’étiez pas le prince Démétrius ; mais moi je n’ai publié que ce que j’ai cru vrai, et je ne l’ai pas cru sans apparence. Je ne suis revenu de ma philosophie que depuis que je suis ici.

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Il n’importe ; votre bonne foi n’empêchait pas que vous n’eussiez besoin de hardiesse, pour assurer hau-