Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/120

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d’humeur, répondis-je, à en envoyer partout assez hardiment, je vous avoue que je n’oserois en mettre là, cet anneau me paraît une habitation trop irrégulière. Pour les cinq petites lunes, on ne peut pas se dispenser de les peupler. Si cependant l’anneau n’était, comme quelques-uns le soupçonnent, qu’un cercle de lunes qui se suivissent de fort près et eussent un mouvement égal, et que les cinq petites lunes fussent cinq échappées de ce grand cercle, que de mondes dans le tourbillon de Saturne ! Quoi qu’il en soit, les gens de Saturne sont assez misérables, même avec le secours de l’anneau. Il leur donne la lumière, mais quelle lumière dans l’éloignement où il est du Soleil ! Le Soleil même, qu’ils voient cent fois plus petit que nous ne le voyons, n’est pour eux qu’une petite étoile blanche et pâle, qui n’a qu’un éclat et une chaleur bien faibles, et si vous les mettiez dans nos pays les plus froids, dans le Groenland, ou dans la Laponie, vous les verriez suer à grosses gouttes et expirer de chaud. S’ils avoient de l’eau, ce ne seroit point de l’eau pour eux, mais une pierre polie, un marbre ; et l’esprit de vin, qui ne gèle jamais ici, seroit dur comme nos diamants.

Vous me donnez une idée de Saturne qui me glace, dit la Marquise, au lieu que tantôt vous m’échauffiez en me parlant de Mercure. Il faut bien, répliquai-je,