Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/34

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puis cela donneroit à mon parc un air savant, que je ne veux pas qu’il ait. N’ai-je pas ouï dire qu’un philosophe qui fut jeté par un naufrage dans une île qu’il ne connoissoit point, s’écria à ceux qui le suivoient, en voyant de certaines figures, des lignes et des cercles tracés sur le bord de la mer : Courage, compagnons, l’isle est habitée, voilà des pas d’hommes. Vous jugez bien qu’il ne m’appartient point de faire ces pas-là, et qu’il ne faut pas qu’on en voie ici.

Il vaut mieux en effet, répondis-je, qu’on n’y voie que des pas d’amans, c’est-à-dire, votre nom et vos chiffres, gravés sur l’écorce des arbres par la main de vos adorateurs. Laissons-là, je vous prie, les adorateurs, reprit-elle, et parlons du soleil. J’entends bien comment nous nous imaginons qu’il décrit le cercle que nous décrivons nous-mêmes ; mais ce tour ne s’achève qu’en un an, et celui que le soleil fait tous les jours sur notre tête, comment se fait-il ? Avez-vous remarqué, lui répondis-je, qu’une boule qui rouleroit sur cette allée auroit deux mouvemens ? Elle iroit vers le bout de l’allée, et en même temps elle tourneroit plusieurs fois sur elle-même, en sorte que la partie de cette boule qui est en haut, descendroit en bas, et que celle d’en bas monteroit en haut. La terre fait la même chose. Dans le temps qu’elle avance sur