Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/41

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ont un usage si particulier. Mais il me vient une difficulté sérieuse. Si la Terre tourne, nous changeons d’air à chaque moment, et nous respirons toujours celui d’un autre pays. Nullement, Madame, répondis-je, l’air qui environne la Terre ne s’étend que jusqu’à une certaine hauteur, peut-être jusqu’à vingt lieues tout au plus ; il nous suit, et tourne avec nous. Vous avez vu quelquefois l’ouvrage d’un ver à soie, ou ces coques que ces petits animaux travaillent avec tant d’art pour s’y emprisonner. Elles sont d’une soie fort serrée, mais elles sont couvertes d’un certain duvet fort léger et fort lâche. C’est ainsi que la Terre, qui est assez solide, est couverte depuis sa surface jusqu’à une certaine hauteur, d’une espèce de duvet, qui est l’air, et toute la coque de ver à soie tourne en même temps. Au-delà de l’air est la matière céleste, incomparablement plus pure, plus subtile, et même plus agitée qu’il n’est.

Vous me présentez la Terre sous des idées bien méprisables, dit la Marquise. C’est pourtant sur cette coque de ver à soie qu’il se fait de si grands travaux, de si grandes guerres, et qu’il règne de tous côtés une si grande agitation. Oui, répondis-je, et pendant ce temps-là la nature, qui n’entre point en connoissance de tous ces petits mouvemens particuliers, nous emporte tous ensemble d’un mouvement