Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/44

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et lui demander si elle avoit pu dormir en tournant. Elle me fit répondre qu’elle étoit déjà toute accoutumée à cette allure de la terre, et qu’elle avoit passé la nuit aussi tranquillement qu’auroit pu faire Copernic lui-même. Quelque temps après il vint chez elle du monde qui y demeura jusqu’au soir, selon l’ennuyeuse coutume de la campagne. Encore leur fut-on bien obligé, car la campagne leur donnoit aussi le droit de pousser leur visite jusqu’au lendemain, s’ils eussent voulu, et ils eurent l’honnêteté de ne le pas faire. Ainsi la Marquise et moi nous nous retrouvâmes libres le soir. Nous allâmes encore dans le parc, et la conversation ne manqua pas de tourner aussitôt sur nos systêmes. Elle les avoit si bien conçus qu’elle dédaigna d’en parler une seconde fois, et elle voulut que je la menace de quelque chose de nouveau. Eh bien donc, lui dis-je, puisque le soleil, qui est présentement immobile, a cessé d’être planète, et que la terre, qui se meut autour de lui, a commencé d’en être une, vous ne serez pas si surprise d’entendre dire que la lune est une terre comme celle-ci, et qu’apparemment elle est habitée. Je n’ai pourtant jamais ouï parler de la lune habitée, dit-elle, que comme d’une folie et d’une vision. C’en est peut-être une aussi, répondis-je. Je ne prends parti dans ces choses-là que comme on