Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/62

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vous croyez qu’il y ait des hommes dans la lune ; car jusqu’à présent vous ne m’en avez pas parlé d’une manière assez positive. Moi ? repris- je. Je ne crois point du tout qu’il y ait des hommes dans la lune. Voyez combien la face de la nature est changée d’ici à la Chine ; d’autres visages, d’autres figures, d’autres mœurs, et presque d’autres principes de raisonnement. D’ici à la lune, le changement doit être bien plus considérable. Quand on va vers de certaines terres nouvellement découvertes, à peine sont-ce des hommes que les habitants qu’on y trouve, ce sont des animaux à figure humaine, encore quelquefois assez imparfaite, mais presque sans aucune raison humaine. Qui pourroit pousser jusqu’à la lune, assurément ce ne seroient plus des hommes qu’on y trouverait.

Quelles sortes de gens seraient-ce donc ? reprit la Marquise avec un air d’impatience. De bonne foi, Madame, répliquai-je, je n’en sais rien. S’il se pouvoit faire que nous eussions de la raison, et que nous ne fussions pourtant pas hommes, et si d’ailleurs nous habitions la lune, nous imaginerions-nous bien qu’il y eût ici-bas cette espèce bizarre de créatures qu’on appelle le genre humain ? Pourrions-nous bien nous figurer quelque chose qui eût des passions si folles, et des réflexions si sages ; une durée si courte,