Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/83

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j’y consens de tout mon cœur ; cependant, à vous parler très sérieusement, vous pourriez vous tromper plutôt que moi. Vous croyez que les gens de la lune doivent habiter sur la surface de leur planète, parce que nous habitons sur la surface de la nôtre : c’est tout le contraire, puisque nous habitons sur la surface de notre planète, ils pourroient bien n’habiter pas sur la surface de la leur. D’ici là il faut que toutes choses soient bien différentes.

Il n’importe, dit la Marquise, je ne puis me résoudre à laisser vivre les habitants de la lune dans une obscurité perpétuelle. Vous y auriez encore plus de peine, repris-je, si vous saviez qu’un grand philosophe de l’antiquité a fait de la lune le séjour des âmes qui ont mérité ici d’être bienheureuses. Toute leur félicité consiste en ce qu’elles y entendent l’harmonie que les corps célestes font par leurs mouvemens ; mais comme il prétend que, quand la lune tombe dans l’ombre de la terre, elles ne peuvent plus entendre cette harmonie, alors, dit-il, ces âmes crient comme des désespérées, et la lune se hâte le plus qu’elle peut de les tirer d’un endroit si fâcheux. Nous devrions donc, répliqua-t-elle, voir arriver ici les bienheureux de la lune, car apparemment on nous les envoie aussi ; et dans ces deux planètes on