Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/84

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croit avoir assez pourvu à la félicité des âmes, de les avoir transportées dans un autre monde. Sérieusement, repris-je, ce ne seroit pas un plaisir médiocre de voir plusieurs mondes différens. Ce voyage me réjouit quelquefois beaucoup à ne le faire qu’en imagination, et que serait-ce si on le faisoit en effet ? cela vaudroit bien mieux que d’aller d’ici au Japon, c’est-à-dire de ramper avec beaucoup de peine d’un point de la terre sur un autre, pour ne voir que des hommes. Eh bien, dit-elle, faisons le voyage des planètes comme nous pourrons, qui nous en empêche ? Allons nous placer dans tous ces différens points de vue, et de là considérons l’univers. N’avons-nous plus rien à voir dans la lune ? Ce monde-là n’est pas encore épuisé, répondis-je. Vous vous souvenez bien que les deux mouvemens, par lesquels la lune tourne sur elle-même et autour de nous, étant égaux, l’un rend toujours à nos yeux ce que l’autre leur devroit dérober, et qu’ainsi elle nous présente toujours la même face. Il n’y a donc que cette moitié-là qui nous voie ; et comme la lune doit être censée ne tourner point sur son centre à notre égard, cette moitié qui nous voit, nous voit toujours attachés au même endroit du ciel. Quand elle est dans la nuit, et ces nuits-là valent quinze de nos jours, elle voit d’abord