Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/85

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un petit coin de la terre éclairé, ensuite un plus grand, et presque d’heure en heure la lumière lui paraît se répandre sur la face de la terre jusqu’à ce qu’enfin elle la couvre entière ; au lieu que ces mêmes changemens ne nous paraissent arriver sur la lune que d’une nuit à l’autre, parce que nous la perdons longtemps de vue. Je voudrois bien pouvoir deviner les mauvais raisonnemens que font les philosophes de ce monde-là, sur ce que notre terre leur paraît immobile, lorsque tous les autres corps célestes se lèvent et se couchent sur leurs têtes en quinze jours. Ils attribuent apparemment cette immobilité à sa grosseur ; car elle est soixante fois plus grosse que la lune, et quand les poètes veulent louer les Princes oisifs, je ne doute pas qu’ils ne se servent de l’exemple de ce repos majestueux. Cependant ce n’est pas un repos parfait. On voit fort sensiblement de dedans la lune notre terre tourner sur son centre. Imaginez-vous notre Europe, notre Asie, notre Amérique, qui se présentent à eux l’une après l’autre en petit et différemment figurées, à-peu-près comme nous les voyons sur les cartes ? Que ce spectacle doit paraître nouveau aux voyageurs qui passent de la moitié de la lune qui ne nous voit jamais à celle qui nous voit toujours ! Ah ! que l’on s’est bien