Il n’est pas surprenant que ce même zèle les ait persuadés de la vérité de je ne sais combien d’oracles avantageux à la religion, qui coururent dans les premiers siècles de l’Église. Les auteurs des livres des sibylles et de ceux d’Hermès ont bien pu l’être aussi de ces oracles ; du moins il était plus aisé d’en supposer que des livres entiers.
L’histoire de Thamus est païenne d’origine ; mais Eusèbe et d’autres grands hommes lui ont fait l’honneur de la croire. Cependant elle est immédiatement suivie, dans Plutarque, d’un autre conte si ridicule, qu’il suffirait pour la décréditer entièrement. Démétrius dit dans cet endroit que la plupart des îles qui sont vers l’Angleterre sont désertes, et consacrées à des démons et à des héros ; qu’ayant été envoyé par l’empereur pour les reconnaître, il aborda à une de celles qui étaient habitées, que peu de temps après qu’il y fut arrivé, il y eut une tempête et des tonnerres effroyables, qui firent dire aux gens du pays qu’assurément quelqu’un des principaux démons venait de mourir, parce que leur mort était toujours accompagnée de quelque chose de funeste. À cela, Démétrius ajoute que l’une de ces îles est la prison de Saturne, qui y est gardé par Briarée, et enseveli dans un sommeil perpétuel, ce qui rend, ce me semble, le géant assez inutile pour sa garde, et qu’il est environné d’une infinité de démons, qui sont à ses pieds comme esclaves.
Ce Démétrius ne faisait-il pas des relations bien curieuses de ses voyages ? Et n’est-il pas beau de voir un philosophe comme Plutarque nous conter froidement ces merveilles ? Ce n’est pas sans raison qu’on a nommé Hérodote le père de l’histoire. Toutes les histoires grecques, qui, à ce compte-là sont ses filles, tiennent beaucoup de son génie ; elles ont peu de vérité, mais beaucoup de merveilleux et de choses amusantes. Quoi qu’il en soit, l’histoire de Thamus serait presque suffisamment réfutée,