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SOUVENIRS

impression fut de me trouver, comme un malade, affaibli, troublé par les terreurs d’un cerveau fiévreux. L’aube du jour blanchissait l’horizon, et le premier éclat de la lumière produisait sur les nuages qui roulaient à nos pieds, des effets d’une singulière bizarrerie ; ils arrivaient poussés sur nous comme d’immenses fantômes : on pouvait se croire en communication avec le ciel, où semblaient se préparer d’étranges visions. Je voulus regarder au fond du cratère ; une fumée sulfureuse, étouffante, me fit reculer : j’essayai alors de m’asseoir sur le revers ; mais cette croûte friable et jaune était brûlante. La fatigue des sens, l’exaltation de l’imagination, jettent dans un état voisin du délire. Placés dans une des régions les plus élevées du globe, nous n’attendions que le départ du nuage qui nous entourait pour jouir d’un spectacle sublime. Le soleil triompha des vapeurs du matin, et tout-à-coup la lumière se fit avec un éclat éblouissant. La Sicile ne formait qu’une faible partie du premier plan de ce tableau. D’un côté la vue plongeait dans le gouffre ; de l’autre, elle rencontrait, dans un vague d’azur coupé par des bandes d’or, la Calabre, l’Afrique, Malte et la mer de Syra-