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LE RAJAH DE BEDNOURE,

composer mon lit, et je pouvais seule obtenir la grâce d’un jeune daim, ou calmer d’un seul mot les élans d’une fureur aveugle que toute l’autorité de mon père n’aurait pu réprimer.

» Le rajah ignorait le secret de sa naissance. Ce penchant vers un orgueil indomptable fit reculer l’époque à laquelle mon père devait lui apprendre que ses aïeux avaient régné sur l’Indoustan, et qu’il était destiné à réclamer un jour l’empire de Canara : cette révélation devait avoir lieu le jour où il aurait atteint l’âge de dix-huit ans. Avertie peu de temps avant de la façon la plus mystérieuse, quel trouble fut le mien, dès que je sus que Misra n’était pas mon frère, et qu’il serait peut-être un jour mon souverain ! Je me reprochais la vivacité de mes soins, les caresses que je lui prodiguais quand son retour s’était fait attendre : enfin c’est de ce moment, c’est de l’embarras que sa présence me causa dès-lors, que datent nos premières peines. Consterné, furieux de mon changement, il menaçait de nous fuir, si je ne lui en confiais la cause. Mon père souriait, et m’obligeait au silence sans m’en expliquer les motifs ; mais des larmes involontaires trahissaient le chagrin qui