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les mystères de montréal

mais pu oublier complètement et pour qui elle récite un Ave Maria tous les soirs.

Il était six heures, et le mariage devait avoir lieu à sept, quand une barouche contenant deux personnes s’arrêta devant la résidence de madame Duval.

Le cheval était blanc d’écume et, comme disaient les habitants ; « n’avait plus formance d’animal ».

Il fallait que les voyageurs fussent partis de bien loin et venus bien vite pour abîmer leur bête à ce point.

L’un était un cultivateur de Saint-Hilaire : l’autre un étranger, puisque personne ne le connaissait. Il sauta à terre et d’un pas rapide gravit le perron de la maison et frappa à la porte.

On le fit entrer dans le salon et la veuve du notaire ne se fit pas attendre. En la voyant, Paul Turcotte — car c’était lui — la reconnut mais, comme elle avait vieilli depuis ce soir de 1838 où il l’avait vue pour la dernière fois ! Elle le salua poliment et il vit qu’il n’était pas reconnu.

Paul Turcotte avait bien changé pendant ces quatre années passées sur mer. D’un côté le chagrin, le doute, l’inquiétude et les tristesses fréquentes ; de l’autre le changement continuel de climat, de zone, les voyages sur mer, exposé au soleil et aux gros vents, et les manœuvres difficiles et dures, tout avait contribué à ce changement.

— Je vous dérange peut-être, madame, mais j’ai quelque chose d’important à vous dire, fit-il.