se, il avait connu Craig et son despotisme ; en 1810 il avait été témoin oculaire de la saisie des presses du Canadien et de l’arrestation de Bédard, Blanchet, Papineau et Taschereau : âgé de vingt-un ans il s’était battu à Châteauguay. En 1818 il avait vu les frasques du duc de Richmond : en 1832, durant une élection, les troupes anglaises avaient massacré sous ses yeux trois Canadiens-français. Il avait assisté à toutes les transformations successives du gouvernement, à tous ses efforts pour rendre le Bas-Canada anglais et protestant. « Vous manquez à vos engagements, vous violez votre traité, » répétait Duval sans se lasser, et sans se lasser non plus, pendant vingt ans, gouvernements et partisans lui avaient répondu par la voix écrasante du pouvoir. « Nous sommes les maîtres du pays : nous faisons ce que nous voulons ! »
Et Nelson, et Papineau et Rodier et plusieurs autres reprenaient tour à tour la même litanie et recevaient tour à tour la même réponse.
Un jour le notaire fit mander Paul Turcotte et lui dit :
— Tu sais que nous sommes en guerre avec le gouvernement… Tu sais aussi que Saint-Denis ne reste pas en arrière dans ce mouvement…
— Je le sais, répondit Paul.
— Eh bien, nous avons besoin d’un jeune homme actif et populaire pour se mettre à la tête des jeunes gens de Saint-Denis. Nelson et moi avons pensé à toi. Es-tu notre homme ?