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Page:Fortier - Les mystères de Montréal, 1893.djvu/7

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les mystères de montréal

Le vaisseau était donc abandonné depuis huit jours quand il avait été rencontré par le Dei-Gratia.

Tout était en ordre à bord et il n’y avait aucune trace de violence qui portait à croire que l’équipage avait eu à lutter. De plus le vaisseau était en bon ordre, très étanche et capable de tenir la mer. Ce n’était donc pas pour ces raisons qu’on l’avait déserté.

La nouvelle de la rencontre de ce navire avec pas une âme à bord et entouré de mystères se répandit dans Gibraltar avec la rapidité de l’éclair et causa un vif émoi.

Qu’était devenu l’équipage ? Pourquoi avait-il abandonné le navire ?… C’est ce que se demandait la population accourue sur les quais pour examiner ce vaisseau qui prenait déjà un aspect étrange.

C’était un trois-mâts de quatre cent soixante-et-dix tonneaux et de construction plutôt solide qu’élégante. Il avait cent pieds de la proue à la poupe et trente de tribord à bâbord. Ses mats étaient peints en jaune et sa coque en noir. Souvent on l’avait vu entrer en rade de Gibraltar, les ailes déployées, comme une colombe fidèle qui revient d’un long voyage. Il n’avait jamais trahi les espérances de ses armateurs. Et on eut dit qu’il avait préféré sacrifier son équipage plutôt que sa cargaison.

Son capitaine était un jeune Canadien-français de vingt-six ans, Paul Turcotte, bien connu dans le quartier maritime de Gibraltar, où on le regardait comme le type parfait de l’honnête marin.