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le pouce crochu

Le coupé de madame Gémozac fila rapidement et Camille crut voir que Julien se penchait à la portière pour tâcher de dévisager l’homme qui se dissimulait dans le fiacre.

Elle eut un remords d’avoir chagriné le fils et irrité la mère, alors qu’elle aurait pu, sans rougir, leur nommer ce visiteur et même le leur présenter. Mais pour leur expliquer sa visite, il aurait fallu leur raconter les événements de la nuit et elle sentait que ce récit serait pris en mauvaise part. D’ailleurs, elle jugeait au moins inutile de leur parler d’une expédition qui n’avait eu, jusqu’à présent, d’autre résultat que de porter malheur à un homme et à un enfant.

Du reste, elle était tout à la joie de voir arriver son sauveur. Il lui apportait peut-être des nouvelles des amis disparus et elle avait tant de choses à lui dire !

Il attendit, pour se montrer, que le coupé fût loin et, quand il descendit, mademoiselle Monistrol avait déjà fait la moitié du chemin.

Il l’aborda, le chapeau à la main, et elle put apprécier ses avantages physiques, mieux qu’elle ne l’avait fait à la clarté d’un bec de gaz de l’avenue de Clichy. Il lui parut encore plus charmant. Sa physionomie, naturellement sympathique, avait pris une expression affectueuse et grave. Il souriait à peine, et ses yeux cherchaient à lire dans la pensée de la jeune fille qui le regardait sans baisser les siens.

— Excusez-moi d’avoir tant tardé, mademoiselle, dit-il doucement. Je ne suis pas venu ce matin, de peur de troubler votre sommeil. Vous deviez avoir grand besoin de repos. Et je crains d’être encore arrivé trop tôt, car je vous ai dérangée… vous n’étiez pas seule.

— J’étais avec madame Gémozac et son fils. Mon père,