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le pouce crochu

— Qu’en savez-vous ? demanda vivement la comtesse.

— Oh ! ce n’est de ma part qu’une appréciation, mais elle doit être juste. Je déshabille une femme du premier coup d’œil et je ne me trompe jamais. Affaire d’habitude. Je n’ai fait qu’entrevoir la demoiselle en question, le soir où elle s’est fait mettre à la porte d’une baraque, à la foire au pain d’épice, mais ça m’a suffi. Elle appartient à la grande catégorie des maigres qui promettent. Elle engraissera plus tard, mais pour le moment, elle n’est pas encore à point, tandis que toi, ma Stépanette !…

— Moi, j’ai vingt-huit ans, mon cher. Et mademoiselle Monistrol m’est très sympathique. Où en est-elle de sa campagne contre l’assassin de son père ? Si j’étais à la place de M. Gémozac, j’aurais déjà retrouvé ce bandit.

— C’est possible. Tu as de l’initiative, toi, et de l’audace et de l’entregent… tandis que ce pauvre Julien n’est pas débrouillard. Croirais-tu qu’il s’est adressé à une agence de renseignements ?… célérité, discrétion… il paie très cher des drôles qui font semblant de chercher Zig-Zag et qui boivent au cabaret l’argent de mon naïf ami. Du reste, je suis convaincu que ce Zig-Zag est un personnage fantastique. Ce saltimbanque au pouce crochu n’a jamais existé.

— Comment ! au pouce crochu ?

— Ah ! c’est vrai, tu ne sais pas… eh ! bien, la jeune Monistrol déclare qu’elle n’a vu de lui que sa main et que cette main est faite de telle sorte que personne n’en possède une pareille. Julien me l’a décrite, d’après ce qu’elle lui en a dit et rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule. Figure-toi une patte de homard, une main d’orang-outang, velue, crochue, avec des ongles recourbés comme des griffes…